CANETON FOUINEUR

Aziz Akhannouch initie une démarche politique nouvelle

Un ménage à trois pour un seul objectif…
Abdellah Chankou
29/9/2021 0:59
Aziz Akhannouch, Abdellatif Ouahbi et Nizar Baraka.

La nouvelle carte régionale, issue du scrutin du 8 septembre, dégage des a priori positifs sur divers plans. L’âge et le niveau d’instruction des présidents élus, d’abord. Profils globalement jeunes dotés d’une bonne formation, valorisée pour bien d’entre eux par une expérience appréciable dans le domaine de l’entreprenariat ou du travail de terrain. La cohérence politique au niveau des votes, ensuite. Pour une fois, une majorité (RNI-PAM-Istiqlal) a pu se dégager bien avant l’élection des présidents et des bureaux avec à la clé une entente en amont sur le candidat à soutenir, indépendamment du nombre de sièges obtenu par chacune des composantes du tiercé gagnant. Bon prince-ce qu’il est réellement dans la vie politique et la vie tout court - le président du RNI et Chef du gouvernement désigné Aziz Akhannouch a joué la carte de l’égalité (4 régions pour chacun des trois partis alliés) alors même que son parti est arrivé en tête dans la plupart des régions. Cette démarche, qui a également été adoptée lors de l’élection des directoires des conseils communaux, procède chez le tombeur des islamistes d’une volonté sans équivoque, franchement peu commune dans les usages politiques marocains. Celle d’impliquer ses partenaires en les responsabilisant dans la concrétisation  sur un triple terrain (national, régional et local) des engagements électoraux qu’ils ont pris vis-à-vis de la population dans leurs programmes respectifs. C’est ce dépassement de l’égoïsme partisan, pourtant monnaie courante lors des élections  précédentes, qui a permis par exemple à l’istiqlalien Abdellatif Maazouz d’être porté à la tête de la plus grande région du pays, sachant qu’arithmétiquement parlant la présidence de la mégapole devrait tomber sans coup férir dans l’escarcelle du  rassemblement. Bâtir une véritable coalition où les partenaires sont égaux devant la responsabilité, à rebrousse-poil des alliances de bric et de broc qui ont prévalu jusqu’ici et dont les membres ne partagent que les portefeuilles, présente un autre avantage inestimable dans la vision akhannouchiste. C’est le meilleur moyen d’immuniser cette alliance contre le virus des divisions et autres batailles d’ego qui ont sapé bien des coalitions gouvernementales et déstabilisé de nombreux conseils communaux. Telle est l'essence de la méthode Akhannouch. L' hégémonie politique ne fait pas partie du lexique du Chef du gouvernement désigné qui carbure plutôt  au travail d'équipe dans l'engagement et le respect. Sans évidemment perdre de vue la nécessaire obligation de résultat.  En phase avec les multiples plaidoyers royaux pour l’avènement d’une pratique politique rénovée et responsable où tous les acteurs privilégient l’intérêt général, cette nouvelle façon de faire dans la construction de la majorité suppose évidemment de nouveaux réflexes et une rupture avec les méthodes du passé. Vaste programme.


Présidents de région :  Des noms et des profils

1-Région de Casablanca-Settat

Un ex-ministre aux manettes  

La présidence de la plus grande région du Maroc, naturellement la plus convoitée, est revenue à l’Istiqlal à travers Abdellatif Maazouz alors que le RNI est arrivé en tête en termes de sièges obtenus. Deux fois ministres (Commerce Extérieur puis Marocains de l’Étranger), passé par la Maison de l’artisan, M. Maazouz, dont l’élection est l’expression du choix des signataires du pacte des trois partis de la majorité, est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université Hassan II de Casablanca en 2000. A 67 ans, ce natif de Sefrou  succède au PAM Mustapha Bakkoury qui, n’était sa fragilisation politique par   sa mauvaise gestion supposée des marchés de Masen, aurait certainement rempilé pour un second mandat.

2- Région de Souss-Massa

Un entrepreneur pour la région

Ici, un RNI remplace un RNI. Ex-président de la Chambre du Commerce, d'Industrie et des Services d’Agadir, le jeune Karim Achengli est le fils de feu Houcine Achengli qui fait partie des grosses fortunes du Souss. Esprit brillant et dynamique, Il succède à Brahim Hafidi qui n’ayant pas démérité aurait pu s’offrir haut la main un second mandat. Sauf que celui   dont l’élection à la tête de la région pour la période 2015-2021 était le fruit d’une alliance entre trois composantes de la majorité (le RNI, le PJD et le PPS) est peut-être appelé à de nouvelles responsabilités. Comme ministre de l’Agriculture. Le nom du protégé de Aziz Akhannouch qui en est le mentor a d’ailleurs figuré sur une des premières listes de ministrables pressentis qui a circulé sur les réseaux sociaux. Docteur en sciences agronomiques, M. Hafidi a les qualités requises pour diriger un tel ministère stratégique. L’objectif étant de piloter la nouvelle stratégie du secteur agricole "Génération Green 2020-2030" tout en capitalisant sur les acquis remarquables du Plan Maroc Vert, dans toutes les filières agricoles, initiée par Aziz Akhannouch en 2008.  

3-Région de l’Oriental

Une réélection et une épée de Damoclès…

Le PAM Abdenbi Bioui a succédé à lui-même. Seul candidat en lice, il a été réélu à la majorité, samedi 18 septembre à Oujda, en réunissant sur son nom les 49 voix sur les 51 que compte le Conseil régional.

Possédant une entreprise dans le domaine des BTP, cet ex-député (2011-2015) est un homme apprécié pour son engagement pour le développement de sa région mais aussi pour ses actions caritatives. Mais l’ascension politique fulgurante de ce  natif d’Oujda en 1971 risque d’être remise en cause par un procès en cours où il été condamnée en mars 2020 par la Cour d’appel de Fès à un an de prison ferme en tant que patron de l’entreprise « Bioui Travaux » avec l’istiqlalien Omar Hejira en sa qualité de président du conseil municipal d’Oujda qui s’est vu, lui, infliger, une peine de 2 ans. La justice reproche aux deux responsables, poursuivis en état de liberté avec 17 autres accusés, d'avoir commis des actes délictueux liés, matérialisés par des fraudes et des détournements de fonds publics. Membres influents de leurs partis respectifs, M.M. Bioui et Hejira se sont empressés après l’annonce du verdict à saisir la Cour de Cassation pour faire annuler leur condamnation. En novembre 2017, Bioui, Hejira et consorts avaient été acquittés par le tribunal de première instance de Fès. Mais le procureur du roi a décidé de faire appel sur la base d’un ensemble d'éléments accablants pour les deux hommes contenus dans un rapport de la Cour des comptes, consacré à la gestion de la ville de Oujda.

4-Région Laâyoune-Sakia El Hamra

Le fils de son père

Hamdi Ould Errachid. Là aussi pas de suspense. L’Istiqlalien Sidi Hamdi Ould Errachid était candidat à sa propre succession. Simple formalité, il est réélu avec un score de 29 voix sur les 39 que compte le conseil régional alors que 10 membres se sont abstenus. Dans cette région du Sahara, le clan Ould Errachid qui gravite autour du patriarche Moulay Hamdi Ould Errachid, réélu député au nom du même parti dont il est le véritable patron, est dominant. Grâce à la richesse immense accumulée grâce à la rente par ce seigneur du désert, les Oulad Errachid sont arrivés à contrôler tous les leviers du pouvoir local et régional.

 

5-Région Fès-Meknès

Un avocat pour défendre la région

Ce n’est pas un jeune que l’alliance formée par le RNI, l’Istiqlal et le PAM, respectivement 21, 14 et 11 sièges, a fait porter à la tête de la région Fès-Meknès. Comptant parmi la vieille garde de l’Istiqlal dont il était chef du groupe parlementaire, Abdelouahed Ansari, la soixantaine, a pu décrocher 61 voix sur les 69 que compte le Conseil régional. Depuis le 20 mars dernier, cet avocat de carrière, qui a succédé au chef du MP Mohand Laenser à la tête de cette région dont le potentiel de développement reste à valoriser, préside aux destinées de l’Association des barreaux du Maroc (ABAM).  

6-Région Rabat-Salé-Kénitra

Un homme entreprenant  

Exit le PJD Abdessamad Sekkal. Bienvenue à Rachid El Abdi du PAM. Élu avec 64 voix sur les 75 que compte le Conseil de région, le député de la circonscription de Salé-Médina, ce diplômé de HEC Montréal a pour lui la jeunesse- il est âgé de 46 ans à peine- et le goût d’entreprendre. Proche du secrétaire général du parti Abdellatif Ouahbi, ce natif de Salé a été désigné en avril 2020 par ce dernier au poste de président du groupe parlementaire du parti à la première Chambre en remplacement de Mohamed Aboudrar qui a été évincé en avril 2020 par le même Ouahbi dans des circonstances jugées illégales.

7- Région Marrakech Safi

Le PAM succède au PAM

Le PAM a gardé la présidence de la région Marrakech-Safi. Candidat unique, Samir Goudar, 57 ans, prend la place de Ahmed Akhchichen en se faisant élire à l’unanimité à la tête d’une région dont il était le vice-président sortant. Membre du Bureau politique, ce natif de Safi est apprécié pour ses qualités d’organisateur. Président de la commission préparatoire du dernier congrès du parti, il a également été appelé à diriger sa campagne pour le triple scrutin du 8 septembre 2021. Samir Goudar fait partie avec Fatima Zahra Mansouri, redevenue mairesse de Marrakech, de l’équipe qui a pris du grade au sein du parti dans le sillage du départ de Ilyas El Omari, l’homme qui a échoué à déloger les islamistes du pouvoir à l’issue des législatives de 2015…

8- Région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma

Un président qui a de l’étoffe

Fatima El Hassani du PAM a passé la main à un jeune politique discret mais efficace. Omar Moro du RNI, parti dont il est coordinateur régional et membre de son Bureau politique.  Son élection le 20 septembre 2021 à 56 voix sur 63, à la tête de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, est une évolution naturelle pour Omar Moro qui fait partie de la jeune garde du RNI qui aspire à prendre du grade.  Faisant partie des valeurs sûres du RNI, arrivé premier avec 18 sièges contre 14 pour le PAM et 13 pour l’Istiqlal, cet ingénieur d’application en textile spécialité Bonneterie, âgé, de 51 ans a étoffé son parcours et ses réseaux à la fois en présidant entre 2009 et 2015 aux destinées de la Chambre de Commerce, d’industrie et des services de la région où il militait depuis 1997. Pour donner une dimension politique à son engagement, ce membre du Bureau de la CGEM-Nord et de l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH), a réussi à se faire élire dès 2006 conseiller à la deuxième Chambre où il accomplit trois mandatures. La star politique du Nord qui monte c’est sans conteste Omar Moro.


9- Région de Béni Mellal-Kénifra

Un jeune qui en veut…

Dans cette région aussi, un PAM chasse un PAM. Brahim Moujahid cède son fauteuil de président à Adil Barakat. Ce dernier, qui a obtenu 56 voix sur les 57 que compte le conseil de région, a bénéficié principalement du soutien de ses pairs des partis alliés dont fait partie le RNI, arrivé en tête dans l’ensemble ces conseils communaux de la région avec 854 sièges. Ex-conseiller à la deuxième Chambre, membre du Bureau politique du PAM, le nouvel élu a de qui tenir. Cet entrepreneur ambitieux   a vu le jour en 1978 à Azilal dans une famille bien engagée dans la politique locale.

10- Région de Draâ-Tafilalet

Un ingénieur agronome  pour le Tafilalet

Dans cette région du sud-est marocain, c’est un RNI qui a succédé au très controversé El Habib Choubani. Natif d’Errachidia en 1956, Hro Abrou a été élu à l’unanimité des membres du Conseil composé de 43 conseillers. Parti sortant, le PJD, sévèrement sanctionné, n’a récolté qu’un seul siège à l’issue de ces élections régionales dominées par le RNI qui a réalisé une belle moisson, 14 sièges, suivi respectivement de l’Istiqlal, le PAM et l’USFP qui ont fait élire respectivement 8, 7 et 4 candidats. Hro Abrou est diplômé de l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II en 1982 et titulaire d’une maîtrise en développement rural et agriculture de France. Il intègre ensuite la direction régionale de l’investissement agricole du Tafilalet où il a occupé plusieurs responsabilités, avant d’être nommé en 2009 chef de la direction régionale de l’investissement agricole d’Ouarzazate.

11- Région de Guelmim-Oued Noun

Bouaida ou le meilleur parti...

Un vent de tristesse nationale a soufflé mardi 21 septembre sur la réélection du RNI Mbarka Bouaida à la tête de la région Guelmim-Oued Noun. La raison ? Le jour même de la victoire de Mme Bouaida, le pamiste Abdelwahab Belfkih s’est donné la mort à l’aide de son fusil de chasse dans son domicile à Sidi Ifni. Ex-USFP, le défunt convoitait tant ce poste dont il voyait la solution à ses démêlés avec la justice.   Mais des considérations politiques complexes qui le dépassent en ont décidé autrement en faisant de la présidente sortante la favorite des trois partis arrivés en tête : PAM, RNI et Istiqlal (Le Canard Libéré N° 661). Née en 1975 à Lakssabi, près de Guelmim, fille d’une grande notabilité de la région, Mbarka Bouaida intègre le RNI en 2004 et en devient membre du Bureau politique trois ans plus tard. Ex-députée de Guelmim (2016-2021), elle est la seule femme à être propulsée à la tête d’un conseil régional. Cette dame frêle et sympathique jouit d’un bon niveau intellectuel soutenu par un diplôme en gestion obtenu à Casablanca, un master en communication décroché à Toulouse et un MBA délivré par l’Université de Greenwich à Londres. Cette sahraouie BCBG a connu à deux reprises les délices de la ministrabilité puisqu’elle a été nommée en octobre 2013 ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération dans le gouvernement Benkirane II, puis secrétaire d’État en avril 2017, auprès du ministre de l’Agriculture chargée de la Pêche maritime dans le gouvernement El Othmani.

12-Région de Dakhla-Oued Eddahab

Comme un poisson dans l’eau…

Et de deux pour El Khattat Yanja, 59 ans, dont le parti, l’Istiqlal, a remporté 11 sièges sur les 33 en jeu dans le conseil régional Dakhla-Oued Eddahab, suivi du RNI et du MP, respectivement 7 et 5 sièges. Pour sa réélection, il obtient la confiance de 29 membres sur les 33 que compte le Conseil régional. Figure régionale connue, homme ouvert et discret, El Khattat Yanja, a ceci de particulier qu’il fait partie des premiers Sahraouis à répondre au fameux appel historique de Feu Hassan II «La Patrie est clémente et miséricordieuse ». De retour au bercail, cet ancien enseignement de mathématiques s’installe dans sa ville natale Dakhla, entre mer et désert et se lance dans le principal secteur d’activité de la zone : la pêche. Malgré son engagement partisan récent, El Khattat Yanja a vite appris à naviguer dans les eaux de la politique.

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