CANETON FOUINEUR

La ministre de la Transition numérique piégée par les deux geeks de l'Apebi

Quand Morocco Tech tourne au bad buzz
Jamil Manar
27/1/2022 0:27
Faux départ pour Ghita Mezzour.

Morocco Tech est-elle la nouvelle usine à gaz du gouvernement ? Sur la forme, le lancement en grande pompe de cette plateforme le 14...

Morocco Tech est-elle la nouvelle usine à gaz du gouvernement ? Sur la forme, le lancement en grande pompe de cette plateforme le 14 janvier est une réussite si l’on se fie au tape-à-l’œil qui était le principal invité de ce raout. Quant au fond, c’est une autre histoire qui reste évidemment à écrire et à construire...

La cérémonie de lancement de la nouvelle marque du Maroc numérique a connu la participation d’une kyrielle d’acteurs privés et publics de la filière technologique nationale. Tous enthousiastes à l’idée de contribuer à l’émergence de l’écosystème national dans ce domaine porteur.  

Show à l’américaine. Ambiance décontractée. Discours d’autosatisfaction prononcés en anglais par la maîtresse de céans, la ministre chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, la charmante Ghita Mezzour  et son très brillant collègue  Younès Sekkouri en charge de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences (ouf !) et même le patron de la CGEM Chakib Alj qui a réussi à lire son allocution in english s’il vous plaît. Discourir dans la langue du business mondialisé est un fait inhabituel chez les officiels du cru qui dans ce genre de rencontres s’expriment traditionnellement en français ou en arabe.

Visiblement, la langue de Molière, que de plus en voix en interne appellent ces derniers temps à abandonner au profit de celle de Shakespeare, n’est pas assez large pour exprimer les nouvelles ambitions virtuelles du Maroc : Jouer dans la cour des grands du numérique en se positionnant sur la carte mondiale de la virtualité et attirer les grandes enseignes du secteur. Agrémenter la cérémonie de speechs en anglais est une manière de signifier que le Royaume entend désormais se tourner vers le monde anglo-saxon et particulièrement les États-Unis, le berceau du high-tech.

Levier essentiel

Ce n’était pas la seule originalité du show où la tenue de rigueur pour les responsables et certains acteurs de la filière a côtoyé l’accoutrement décontracté des deux geeks marocains à l’origine de cette opération : Costume bleu nuit et baskets blanches pour le président de l’Apebi Amine Zarouk, qui a tenu à s’exprimer en anglais en jetant de temps en temps un regard furtif sur son portable, jean et babouches jaunes de Tafraout pour le vice-président Mehdi Alaoui qui a préféré rester fidèle au français… Ne dit-on pas que l’homme c’est le style ? Mais qu’est-ce qui distingue le plus ce couple qui semble fonctionner sur le mode du fameux duo comique Kachbal et Zaroual des années 70? S’entendant comme larrons en foire, les deux jeunes n’ont pas à leur actif des réussites spectaculaires dans le domaine.

Amine Zarouk est le représentant au Maroc du groupe français Alten, spécialisé dans le conseil en technologie alors que Mehdi Alaoui n’a réussi d’après le site 1.ma  qu’à multiplier de beaux ratages dans le secteur des nouvelles technologies en accouchant de startups qui n’ont jamais décollé. Derrière ses lunettes de vue et sa voix fluette qui lui confèrent un air faussement intellectuel se profile un redoutable manipulateur, à en croire ceux qui ont côtoyé Mehdi Alaoui. Le vrai boss qui tire les ficelles c’est lui, tandis que Amine Zarouk n’est que le faire-valoir et sa voix qui n’a pas peur de dire des énormités: « À partir de 2022, seuls les groupes agiles dans leur transformation survivront » (Telquel 17 janvier). C’est fort de sa technicité supposée dans le nouvel eldorado numérique que notre binôme de chic et de choc arrive à prendre en janvier 2020  la tête de l’Apebi (la Fédération marocaine des Technologies de l'Information, des Télécommunications et de l'Offshoring), dans un partage des rôles remarquable en mettant en avant leurs réussites virtuelles et de manœuvrer  en douce pour s’ériger en interlocuteur privilégié des pouvoirs publics du secteur de la Tech auxquels ils ont vendu une plate-forme. Tout ce qu’il y a de virtuel…  

Celui qui aura tenté, qu’il soit un porteur de projet technologique local  ou un  investisseur étranger, de faire un tour sur le site moroccotech.ma  pour découvrir ce qu’il propose subira un grand choc puisqu’il tombe sur un contenu inattendu qui n’a rien à voir avec Morocco Tech ! C’est que le nom de domaine Moroccotech.ma  est déjà pris par une entreprise marocaine  opérant dans le secteur des NTIC. Scandale. Comment cela est-il possible ? Comment se fait-il que personne parmi l’équipe de la ministre Gita Mezzour n’ait pris au préalable la peine de vérifier si le nom de domaine en question est libre ou pas ! Incroyable mais vrai. Plus qu’un bug, un dysfonctionnement politique grave symptomatique de plein d’autres insuffisances. Tout au long des 8 heures passées à palabrer sur les mines d’or que sont les Fintech, Agritech et Health tech…, les différents intervenants qui ont animé des ateliers se sont limités à ressasser des banalités sur l’importance du numérique dans l’économie actuelle et de demain et sur la nécessité de valoriser le capital humain pour relever le défi de la digitalisation. Mais comment construire une startup nation viable et solide et attirer des investisseurs étrangers   avec la fuite des virtuoses de la souris découragés par un environnement qui bloque les initiatives innovantes quand il ne les inhibe pas...

« Le Maroc dispose en effet d'un des viviers de talents le plus attractif de la région et une des meilleures infrastructures du continent. Le Royaume peut également s’appuyer sur un nombre important d'entreprises innovantes qui accompagnent des clients au Maroc et dans le monde, notamment dans le domaine de l'offshoring. Il démontre ainsi sa capacité à développer un écosystème digital compétitif à l'international, grâce à ses offres adaptées et à son accompagnement sur-mesure des investisseurs, permettant d'attirer plusieurs entreprises technologiques prestigieuses à s'établir et investir au Maroc», s’est félicité Mme Mezzour. Il faut évidemment bien plus que des professions de foi pour installer un paysage technologique digne de ce nom, créateur de valeur et pourvoyeurs d’emploi, à l’image de la Lituanie qui a fait de l’économie numérique un levier essentiel de son développement.

Fait curieux, aucune mention de la cérémonie de lancement de Morocco Tech sur le site du ministère qui porte ce projet, la Transition numérique (Un site de «basse facture» pour un département chargé de faire du Maroc un pôle international de l’innovation digitale). L’enthousiasme de Ghita Mezzour, qui vient du monde 2.0 et de l’intelligence artificielle où elle s’est fait un nom, s’est-il refroidi en découvrant après coup qu’elle s’est fait rouler dans la farine par les deux digital natives ? Une chose est sûre : Morocco Tech, tel qu’il a été conçu avec certainement des arrières-pensées par les deux digital natives de l’Apebi, a raté son démarrage, générant du bad buzz. Vite un Hackathon de l’amateurisme !

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