Jamil Manar
1/4/2021 1:59
Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce.

Pratiqué depuis près de deux décennies par la quasi-totalité des industriels du secteur, jugé aujourd’hui comme anticoncurrentiel...

Pratiqué depuis près de deux décennies par la quasi-totalité des industriels du secteur, jugé aujourd’hui comme anticoncurrentiel et même illégal, le jeton de peinture a perdu ses couleurs...

Les jetons de peinture de bâtiment, c’est fini. Ainsi en a décidé le ministre du Commerce, de l’Industrie, de l’Investissement et de l’Économie numérique  Moulay Hafid Elalamy dont les services ont décrété l’interdiction de cette pratique devenue monnaie courante chez les professionnels du secteur. Il s’agit d’une espèce de ticket placé dans les pots de peinture dont le montant oscille entre 20 et 100 DH qui profite exclusivement au peintre artisan qui perçoit auprès des distributeurs (les drogueries en général) sa valeur en espèces. Les droguistes remettent ensuite les jetons collectés auprès des peintres aux fabricants et reçoivent, en contrepartie, les produits de peinture avec des dégressifs sur le prix d’achat. Ce drôle de bonus a ceci de particulier qu’il donnait au peintre en bâtiment un pouvoir immense. Celui d’orienter le client vers marque de peinture. Logiquement, c’est la valeur du jeton et non la qualité du produit qui devient déterminant dans le choix de la marchandise de l’opérateur. Dit autrement, c’est le peintre artisan qui confectionne, en fonction du degré de son intéressement, la politique commerciale des opérateurs et décide de leur position sur le marché. Avec cette façon de faire, les industriels fidélisent au fond moins le client utilisateur que le peintre en bâtiment. En décrétant la fin de cette pratique jugée anticoncurrentielle mais devenue monnaie courante dans les secteurs, Moulay Hafid Elalamy s’est posé en défenseur du consommateur considéré comme perdant dans cette histoire puisqu’il paierait de sa poche le prix du jeton. Tel n’est pas l’avis d’un cadre d’une grande entreprise de peinture qui affirme que la valeur du jeton est défalquée de la marge bénéficiaire de l’entreprise et que le peintre ôte à son tour du tarif de sa prestation au client. Ce qui laisserait croire que celui-ci subirait une hausse maintenant que les bonus de peinture ont été déclarés illégaux.

Innovation purement marocaine, les jetons de peinture ont été instaurés par feu Abdellah Akdim dès 1993, juste après son rachat de la société de peinture Casa Paradis qui deviendra Arcol. Pour booster son business, le défunt, qui s’était suicidé il y a quelques années dans des circonstances troublantes à Casablanca, eut l’idée de placer ces jetons dans les pots de peinture en s’appuyant sur un réseau de drogueries amies, installées dans les grandes villes du pays. La mayonnaise a pris au-delà des attentes du créateur de ce bonus, originaire du Souss qui a vu son chiffre d’affaires s’envoler. Les concurrents de Arcol ne tarderont pas à suivre en adoptant la même pratique pour ne pas rester à la traîne et surtout prendre le risque de perdre des parts de marché au profit de celui qui commençait à les devancer.

Opération de charme

Tous les industriels de la peinture de bâtiment, les Colorado, Astral et autres Facop ont eu dès lors glissé leur sésame dans les pots de peinture tout en se lançant dans une opération de charme auprès des professionnels du pinceau. Objectif: s’assurer leur bienveillance pour faire acheter au client la gamme de leurs produits (peintures, enduits et revêtement du mur et du sol…). Plus qu’une pratique, le jeton en se généralisant sera élevé au rang de stratégie d’entreprise qui absorbe des budgets assez conséquents. Quelque 400 millions de DH bon an mal an selon l’association marocaine des industries des peintures, encres, colles et adhésifs... Mais un nouveau venu sur le marché brisera le consensus autour des fameux «jotoune». Il s’agit de O’dassia Peintures dont le fondateur, Abdessamad Jennane,  est un ancien directeur commercial Chez Colorado. Comme la nouvelle enseigne a du mal à se faire une place dans un marché déjà verrouillé entre autres par la pratique du bonus, il ne pouvait pas faire autrement, pour espérer exister, que de saisir le Conseil de la concurrence afin de rebattre les cartes au sein de la corporation. Ce sera chose faite en mars 2019. Mais cette instance, dirigée alors par Driss El Guerraoui, préfère laisser courir… Et c’est le ministère du Commerce et de l’Industrie qui prend le dossier à bras-le-corps et qui, au prix de quelques réunions avec les protagonistes du secteur, tranche dans le vif en leur remettant une couche. Alors qu’ils réclamaient un délai plus long  Moulahom Hafid a donné aux « Jetonistes »  jusqu’à fin avril pour mettre fin à leur pratique qui à ses yeux est incriminée par le Code pénal marocain dans article 339 qui stipule que « la fabrication, l'émission, la distribution, la vente ou l'introduction sur le territoire du Royaume de signes monétaires ayant pour objet de suppléer ou de remplacer les monnaies ayant cours légal est punie de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500 à 20.000 dirhams. » Désormais, le secteur, qui a longtemps prospéré sur une pratique tolérée, n’a d’autre choix que de se réinventer sous de nouvelles couleurs.

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